Olivier Ledru, avocat au barreau de Paris

14Avr

Créations du salarié – validation d’une clause de cession dite « au fur et à mesure »

Cour d’appel de Paris – Pôle 5 – Chambre 1 – 25 janvier 2023 – n° 19/15256

La clause par laquelle le salarié cède « au fur et à mesure de leur réalisation » les créations qu’il a réalisé dans le cadre de son contrat de travail ne serait donc pas une cession « globale d’œuvres futures » prohibée par l’article L.131-1 du code de la propriété intellectuelle.

Il est pourtant certain qu’à la date de signature du contrat de travail, les deux parties n’ont aucune visibilité ni sur le volume, ni sur la nature des créations qui seront ainsi concernées par la cession laquelle semble donc porter des œuvres futures.

La solution et le raisonnement adoptés par la Cour peuvent surprendre mais ils ont le mérite de répondre à un besoin de sécurité juridique de l’employeur qui peut ainsi s’abstenir de conclure un nouveau contrat de cession pour chacune des œuvres de l’esprit créée par son salarié.

Il s’agirait donc d’une exception propre au contrat de travail.

En l’espèce, une salariée avait conclu un contrat de travail en qualité de styliste directrice artistique.

Ce contrat de travail emportait cession des droits de propriété intellectuelle dans les termes suivant : « La salariée cède à titre exclusif à l’Employeur l’ensemble des droits de propriété intellectuelle… relatifs aux créations réalisées dans le cadre du présent contrat, au fur et à mesure de leur réalisation. »

La salariée a, par la suite, revendiqué des droits patrimoniaux sur des créations qu’elle avait réalisées dans le cadre de contrats de collaboration (co-branding) conclus entre son employeur et des entreprises tierces (Uniqlo, Lancôme et Dyptique).

La Cour d’appel constate dans un premier temps que les créations ont nécessairement été exécutées dans le cadre du contrat de travail dès lors que, en application d’une clause d’exclusivité, la salariée était tenue de « consacrer tout son temps de travail et tous ses efforts au profit exclusif de son employeur et ne pouvait donc pas s’engager pour son compte personnel dans des activités extérieures ».

Cela étant, la Cour s’interroge sur la validité de la clause de cession au regard des dispositions de l’article L.131-1 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles « La cession globale des œuvres futures est nulle. »

La Cour d’appel conclut à la validité de la clause litigieuse « dès lors qu’elle délimite le champ de la cession à des œuvres déterminables et individualisables à savoir celles réalisées par la salariée dans le cadre du contrat de travail et au fur et à mesure que ces œuvres auront été réalisées. »

Pour la Cour d’appel, il ne s’agit pas d’une cession globale car elle est limitée aux œuvres « réalisées par la salariée dans le cadre du contrat de travail » et il ne s’agit pas non plus d’une cession d’œuvres future puisque la cession « n’opère qu’au fur et à mesure de la réalisation des œuvres » et n’aurait donc vocation qu’à porter sur des œuvres réalisées.