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Droit d'auteur - le "selfie" n'est pas gage d'originalité - Olivier Ledru Avocat

Olivier Ledru, avocat au barreau de Paris

10Jul

Droits d’auteur – le “selfie” n’est pas gage d’originalité

Cour d’appel de Paris – Pôle 5 – Chambre 2 – 12 mai 2023 – n° 21/16270

Une influenceuse a réalisé et diffusé des photographies d’elle-même en mode « selfie ».

Elle reproche à une société de prêt-à-porter d’avoir diffusé, dans le cadre d’une campagne publicitaire, des visuels reprenant une mise en scène similaire.

L’action est fondée d’une part, sur la contrefaçon de droits d’auteur et d’autre part, sur la concurrence déloyale et le parasitisme.

L’influenceuse est ici déboutée sur ces trois fondements.

Concernant la contrefaçon de droits d’auteur, il est rappelé que seules bénéficient de la protection du droit d’auteur les œuvres originales. Il appartient à l’auteur, lorsque cette originalité est contestée, d’en définir et d’en expliciter les contours et donc d’établir l’existence d’un effort créatif et d’un parti pris esthétique portant l’empreinte de sa personnalité.

Ici, l’influenceuse revendiquait les choix artistiques suivants : le décor (cage d’ascenseur), le sujet (elle-même en mode « selfie »), une posture particulière (laisse du chien dans une main, et téléphone dans l’autre, regard vers le bas) et le cadrage (format vertical, permettant une photographie en pied).

Elle se borne en réalité ici à décrire la photographie sans expliciter les raisons ayant motivé les choix qu’elle dit avoir fait et se contentant d’affirmer, sans le démontrer, que les réglages de la luminosité et des contrastes ainsi que les retouches couleur et le cadrage, sont des paramètres techniques qui lui sont propres alors que, selon la Cour, le « selfie » se borne à reproduire l’éclairage artificiel de l’ascenseur dans lequel il est réalisé sans autre intervention.

La Cour rejette l’originalité au motif que les choix revendiqués, même pris en combinaison, « sont des choix déjà retenus par des influenceurs avant elle » et qu’ils sont par ailleurs « dictés par la technique du « selfie » ou la mise en valeur de la tenue qu’ils portent ».

Faute de démontrer l’existence de choix arbitraires dans la mise en scène de ses « selfies », la demanderesse échoue à établir l’originalité du cliché qu’elle invoque au titre du droit d’auteur et elle est donc débouté de ses demandes fondées sur la contrefaçon du droit d’auteur.

Elle est également déboutée de ses demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme :

Pour la concurrence déloyale, la Cour ne constate « aucune volonté [de la part de la société de prêt-à-porter] de créer une confusion dans l’esprit du consommateur » (la faible audience de l’influenceuse qualifiée de « micro-influenceuse » semble ici être prise en compte).

Pour écarter le parasitisme, la Cour estime que l’influenceuse ne démontre ni une réelle notoriété, ni avoir effectué des investissements liés à ce visuel et qui feraient que celui-ci présente une valeur économique individualisée dont la société aurait voulu tirer indûment profit ou dans le sillage de laquelle elle se serait placée afin d’en tirer profit.