Olivier Ledru, avocat au barreau de Paris

10Juil

Messagerie WhatsApp sur le téléphone professionnel – présumée professionnelle

Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – ch. 2, 20 avril 2023

Le groupe Kaufman & Broad soupçonnait 4 de ses anciens salariés de concurrence déloyale au profit de l’un de ses concurrents. Afin d’établir la preuve de ces actes de concurrence déloyale, il a obtenu du Président du Tribunal de commerce, et au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, une mesure d’instruction in futurum aux fins d’appréhension, au siège du concurrent et aux domiciles des salariés, et au moyen d’une liste de mots clés, de tous dossiers, fichiers, messages et documents.

L’article 145 du Code de procédure civile permet effectivement, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, que soient ordonnées les mesures d’instruction légalement admissibles. Le motif légitime étant défini comme « un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ».

En l’espèce, la mesure a, parmi d’autres éléments, permis de découvrir, sur la messagerie WhatsApp du téléphone professionnel d’un des salariés, une correspondance entre les quatre salariés (sous un nom de groupe de « Bande à Picsou ») dont le contenu vient renforcer les légitimes soupçons de l’employeur sur les agissements déloyaux.

Les salariés considéraient que cette messagerie WhatsApp est une messagerie personnelle distincte de la messagerie professionnelle et à ce titre couverte par le secret des correspondances. Ils dénonçaient donc le caractère illicite et déloyal de cet élément de preuve en ce qu’il constituerait une violation disproportionnée de l’intimité de leur vie privée,

La Cour d’appel rappelle cependant que l’installation et l’accès à l’application WhatsApp ne sont pas subordonnés à l’utilisation d’une adresse email personnelle, mais seulement à un numéro de téléphone, en l’occurrence le numéro de téléphone professionnel dont le titulaire est l’ancien employeur.

En conséquence, la Cour fait, par analogie, application aux messages WhatsApp, de la présomption du caractère professionnel posée par la Cour de cassation pour les « short message service » (SMS) : « Les messages écrits, « short message service » (SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels. »

En l’espèce, les messages WhatsApp n’ont pas été identifiés par le salarié comme étant personnels, de sorte que l’ancien employeur pouvait y avoir accès en dehors de la présence de son salarié.