Olivier Ledru, avocat au barreau de Paris

23Juin

Paris, pôle 5, ch. 1, 11 mai 2022, n° 19/20486

La pièce intitulée « Ma belle-mère, mon ex et moi » a fait l’objet d’une première version (version initiale).

Une seconde version (version 2) a ensuite été écrite par un nouvel auteur sans la participation de l’auteur initial mais ce dernier ne s’y étant pas opposé et figurant dans le bulletin de déclaration SACD.

Enfin, une troisième version intitulée « Ma belle-mère et mois, 9 mois après » (version 3) est attribuée à deux nouveaux auteurs dont Monsieur Franck LEBOEUF, l’auteur de la version initiale figurant une nouvelle fois dans la déclaration SACD bien que n’ayant pas réellement contribué à cette version 3.

L’auteur de la version 2, qui n’était pas associé à l’écriture de la version 3, estime que celle-ci porte atteinte à ses droits d’auteur en ce que cette version 3 reprend, selon lui, l’ensemble des éléments originaux de la version 2 pour en faire une suite. Les coauteurs de la version 3 et le producteur des représentations de celle-ci estiment au contraire que la version 2 ne contient pas d’éléments originaux distincts de la version initiale. La version 2 ne constitue pas, selon eux, une œuvre protégeable.

L’originalité de cette situation est que l’auteur de la version initiale est également mentionné comme coauteur de la version 3 et pouvait donc potentiellement se trouver en position d’être qualifié de contrefacteur de la version 2 elle-même dérivée de la version initiale.

Au vu des éléments produits et des comparaisons qu’elle a pu faire des 3 versions successives de la pièce, la Cour estime que :

  • La version 2 est une œuvre composite en ce qu’elle intègre une œuvre première sans la collaboration de l’auteur de celle-ci (article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle : « Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière »).
  • L’auteur de la version 2 démontre avoir incorporé à la version initiale (œuvre première) des apports nouveaux et originaux (la trame de l’histoire, les caractères et l’importance des personnages, les relations entre les personnages).

La version 2 est donc une œuvre composite dérivée de la version initiale et contient des éléments « qui lui sont propres et personnels et relèvent de choix arbitraires révélant l’empreinte de la personnalité [de son auteur] »

Or la Cour constate ensuite que la version 3 ne se contente pas de reprendre des éléments de la version initiale mais qu’elle se présente comme une suite chronologique et logique de la version 2 à laquelle elle emprunte de nombreux éléments originaux en ce qu’ils n’apparaissent pas dans la version initiale.

Les coauteurs de la version 3, bien que formellement associés à l’auteur de la version initiale, aurait donc dû solliciter l’accord de l’auteur de la version 2. A défaut, ils ont commis un acte de contrefaçon au sens de l’article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle et porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux de l’auteur de la version 2.

La solution est à notre sens inévitable dès lors que l’on reconnaît à l’auteur de la version 2 des apports originaux et ce quand bien même l’auteur de la version initiale aurait contribué à la version 3. La Cour écarte toutefois la responsabilité de l’auteur de l’œuvre initiale en ce qu’il n’a participé que de façon marginale à la version 3.