Olivier Ledru, avocat au barreau de Paris

10Fév

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 1, 14 décembre 2021, n° 19/12865

La Cour d’appel de Paris juge que l’utilisation qui a été faite d’œuvres musicales dans le spectacle « On achève bien les anges (Elégie) » relève du droit d’exécution publique (et non du droit d’adaptation) et que l’autorisation relevait donc de la compétence de la SACEM.

Dans le but de sonoriser son spectacle, ZINGARO a sollicité un auteur américain (Tom WAITS) dont les droits de licence étaient détenus par PEERMUSIC.

PEERMUSIC a indiqué que l’auteur n’était pas disponible pour une telle collaboration mais qu’elle espérait néanmoins que ZINGARO « trouvera[it] dans le catalogue des chansons existantes une composition qui lui conviendra ».

ZINGARO a considéré que cette réponse constituait un « accord de principe » et a choisi plusieurs titres dans le répertoire de l’artiste.

L’ensemble des titres musicaux revendiqués appartiennent au répertoire de la SACEM avec laquelle ZINGARO a conclu un contrat général de représentation (article L.132-18 du CPI) dont l’objet est la sonorisation d’un spectacle équestre (exécution publique).

Les autorisations de sonorisation du spectacle ont été obtenues auprès de la SACEM et c’est finalement 16 œuvres musicales qui ont été reprises pour constituer l’essentiel de la musique du spectacle (entre 33 et 41 %).

L’action de l’auteur se fondait à la fois sur le droit moral et sur le droit patrimonial.

Sur le droit patrimonial (droits de représentation et droit d’adaptation) :

L’auteur considérait que le spectacle équestre mettait en jeu non seulement le droit d’exécution publique mais également le droit d’adaptation dès lors que les œuvres musicales étaient incorporées dans le cadre d’une œuvre dramatique scénographiée (certaines œuvres ayant été modifiées par découpage et mixage).

S’agissant d’adaptations, la SACEM n’était selon lui pas compétente pour délivrer des autorisations.

ZINGARO soutenait au contraire que la sonorisation du spectacle relevait exclusivement du droit d’exécution publique exercé par la SACEM. ZINGARO entendait en outre se prévaloir d’une autorisation de principe émanant de PEERMUSIC.

La Cour estime en premier lieu que l’œuvre « On achève bien les anges (Elégie) » est une œuvre composite au sens de l’article L 113-2 du CPI « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ».

Elle reconnaît en outre que la partie musicale du spectacle a un rôle majeur dans celui-ci.

La Cour écarte cependant le droit d’adaptation et estime au contraire que l’utilisation des œuvres musicales relève du droit d’exécution publique dès lors que la musique demeure parfaitement dissociable de l’aspect visuel et artistique du spectacle équestre dans lequel elle est incorporée.

Les chansons revendiquées demeurant distinctes et individualisables au sein du spectacle, elles sont reproduites dans leur nature première d’œuvres musicales sans changer de genre en raison de la nature de l’œuvre seconde qu’elles accompagnent.

Selon la Cour, l’utilisation faite des œuvres musicales revendiquées n’a pas excédé le droit d’exécution publique et relevait bien de la compétence de la SACEM en vertu des contrats de représentation générale conclu par le producteur avec cette dernière.

Sur le droit moral

La Cour écarte l’atteinte au droit moral en considérant que l’accompagnement du jeu sur scène d’un musicien ou la seule modification de la tonalité d’un morceau ne peuvent suffire à caractériser une dénaturation portant atteinte au droit moral.

De même, la diffusion abrégée d’une des œuvres ne caractérise pas une dénaturation dès lors qu’elle n’altère pas la perception de l’œuvre par le public et dès lors qu’elle est justifiée par les impératifs de la mise en scène propre au spectacle équestre (« nécessairement soumis à des aléas dus à la direction et à la réaction des chevaux qui peuvent varier d’un spectacle à l’autre… »).

Enfin, rappelle la Cour, l’appréciation des atteintes portées aux droit moral doit se faire en considération de la liberté de l’auteur du spectacle litigieux.

En l’espèce, après avoir souligné la notoriété de ZINGARO et la qualité de ses spectacles, elle considère que la recherche du juste équilibre des intérêts et droits en présence conduit à rejeter l’atteinte invoquée au droit moral d’auteur dans le cadre des représentations du spectacle.